L’almanach « Der Blaue Reiter » de Vassily Kandinsky

Avant d’être artiste, le russe Vassily Kandinsky était un ancien et brillant étudiant en droit qui s’était vu proposé de devenir professeur à l’université de Tartu à l’âge de 30 ans, mais à refusé car s’étant senti un intérêt majeur pour la peinture ainsi qu’une fascination pour la couleur depuis sa plus tendre enfance et il commencera des études de peinture. Il crée avec d’autres artistes « Der blaue reiter » (en français le cavalier bleu) un groupe d’artistes expressioniste qui rompt avec les traditions habituel de la peinture et cherche à l’innover, c’est ce que fera Vassily qui est considéré comme l’un des fondateur de l’art abstrait. Ce qui va nous intéresser, c’est la couverture de l’almanach du « der blaue reiter », réalisé en 1912, c’est un livre qui sert à propager les idées d’un renouveau artistique et de présenter l’exposition où le groupe expose ses œuvres.

Quel message la couverture doit transmettre par rapport à l’art du cavalier bleu ?

On va d’abord s’attarder sur Kandinsky, ensuite on va revoir la naissance du groupe « der blaue reiter » et pour finir on va parler de l’art abstrait.

I)Kandinsky : un peintre qui a commencé tardivement

A)Présentation rapide de l’artiste

Kandinsky naît à Moscou en 1866 dans une famille aisée et cultivée. Il apprend l’allemand avec sa grand-mère, prend des cours de piano, de violoncelle et de dessin. En 1885, il entreprend à la faculté de Moscou des études de droit qu’il poursuit jusqu’en thèse. Mais, au moment d’obtenir une chaire d’enseignant, en 1895, il décide de rompre avec la carrière juridique pour se consacrer à l’art. Il se rend alors à Munich pour apprendre la peinture, puis s’institue très vite lui-même professeur en créant, avec d’autres artistes munichois, l’association Phalanx. Par ce biais, il rencontre Gabriele Münter, une artiste germano-américaine, qui sera sa compagne jusqu’en 1914. Avec elle, il voyage à travers l’Europe et l’Afrique du nord et, en 1906, s’installe à Paris pour un an. A cette époque, ses œuvres sont de petites peintures, souvent des paysages dans un style impressionniste, comme des notes de voyages, qui le font passer pour un dilettante auprès du milieu parisien. Ce n’est qu’en 1908, de retour en Allemagne, où il vit avec Gabriele Münter à Murnau, que commence sa véritable carrière d’artiste. Si ses thèmes de prédilection – les paysages, la culture populaire – restent les mêmes, il les traite de manière de plus en plus abstraite grâce à l’autonomie croissante des couleurs. En 1914, alors que la guerre éclate, il quitte Munich pour se réfugier en Suisse, puis part pour Moscou où il restera jusqu’en 1921. Là, il commence la rédaction d’un texte, conçu comme le pendant de Du Spirituel dans l’Art, « Du Matérialisme dans l’Art », qui ne sera publié qu’en 1926 : Point et ligne sur plan. Durant cette période, il peint peu, privilégiant, pour des questions matérielles, le dessin et les œuvres sur papier. Puis, tandis que se met en place le nouveau régime, il se consacre à la création des nouvelles structures artistiques du pays, telles que l’IZO, l’organisme d’Etat gérant les arts plastiques. Toutefois, sa situation, tant artistique que financière et politique, est devenue précaire. En 1921, profitant d’une mission officielle, il s’installe en Allemagne avec son épouse Nina. Walter Gropius, directeur du Bauhaus, lui propose un poste d’enseignant : il l’occupera jusqu’à la fermeture de l’école en 1933 et son départ pour la France. A cette date, déchu de la nationalité allemande obtenue en 1927, Kandinsky s’installe à Paris, apatride. Ce n’est qu’en 1939 qu’il deviendra citoyen français, in extremis avant le début de la Deuxième Guerre mondiale. Jusqu’en 1944, les Kandinsky mènent une vie retirée à Neuilly-sur-Seine, l’artiste poursuivant ses dernières recherches.

B)Kandinsky et la couleur

Kandinsky avait depuis l’enfance une fascination pour la couleur qui a été remarqué quand il vivait à Moscou et qu’il avait une stimulation exceptionnelle à la couleur. Kandisky a consacré sa vie à faire évoluer l’art vers la non-figuration, ses créations picturales sont tout au long de sa vie accompagnée de réflexions théoriques et de découvertes. Comme quand il a appris, en 1897, que le physicien Joseph John Thomson a prouvé expérimentalement l’existence des électrons. Cette découverte, qui contredit le principe de l’indivisibilité de l’atome, remettra en cause sa confiance en la science et ébranle jusqu’à sa conception de la réalité. Pour lui, cela condamne le positivisme (une vision philosophique qui s’en tient aux relations entre les phénomènes et ne cherche pas à connaître leur nature intrinsèque : il met l’accent sur les lois scientifiques et refuse la notion de cause.) et son pendant en art pictural, le naturalisme (un mouvement artistique qui faisait suite au réalisme et qui en reprend les traits).

C)La création du cavalier bleu, pourquoi cette couverture ?

Quand Kandinsky a créer l’almanach, il a créé plusieurs versions de la couvertures, toutes différentes, et la dernière retenu et utilisé finalement et celle qu’on étudie aujourd’hui. Les raisons du choix de cette couleur bleu et de ce cavalier abstrait sont les suivantes : tout d’abord Le bleu est la couleur de la spiritualité, et dans sa recherche pour y arriver à travers de l’abstraction des formes et l’utilisation symbolique de la couleur, nous voyons l’influence des doctrines théosophiques visant à comprendre l’essence divine dans le monde, résultat de l’union du divin avec la matière. Dans cette œuvre de Kandinsky de 1911 « le cavalier bleu », qui anticipe la future couverture de l’almanach, on aperçoit la figure mythique du chevalier, qui contient aussi des éléments de la culture et traditions russes. Le chevalier est une figure mythique dans l’imagerie médiévale, récupérée par le Romantisme, dans le contexte de la réévaluation des traditions, des mythes et légendes populaires.

II)L’expressionisme allemand : la naissance du cavalier bleu avec Kandinsky

A) qu’est-ce que le cavalier bleu ?

Le cavalier bleu était juste au début une communauté rédactionnelle dont les membres les plus marquants était le russe Vassily Kandinsky et l’allemand Franz Marc, deux artistes pas spécialement connu où appréciés à l’époque. Leur objectif premier était d’écrire un livre présentant une vue d’ensemble des nouvelles tendances de l’art contemporain mais aussi une sorte de profession de foi pour un art nouveau qui devrait trouver les sources élémentaires, essentielle de l’inspiration. Le nom « der Blaue Reiter » a été trouvé alors que les deux prenaient un café « sous une tonnelle de Sindelsdorf », les deux aimaient le bleu, Marc aimait les chevaux, et Kandinsky les cavaliers. Le nom était venu de lui-même. Kandinsky avait une certaine exigence dans le symbole du cavalier bleu, qu’il associait à la figure de Saint George. Il y voyait en effet un acte symbolique : le héros de l’esprit (l’artiste) libère la société des liens du matérialisme, met fin à son déclin civilisationnel et la guide vers un nouveau paradis.

B) l’almanach du cavalier bleu

Ce qui ressort de la lecture de l’almanach, c’est l’absence de toute division traditionnelle entre les différentes techniques artistiques : on y trouve à la fois une homogénéité de pensée, une commune croyance en la vie intérieure de l’artiste, dans la forme comme extériorisation de l’intuition créatrice du peintre ou du musicien, dans les liens qui unissent les arts nouveaux aux arts anciens, les arts européens aux arts africains ou asiatiques, savants ou populaires, liens situés au tréfonds de l’homme, en ce qu’il a de plus archétypal. L’almanach comprend un ensemble d’articles d’esthétique générale qui soulignent la volonté de leurs auteurs de ne pas enfermer leur pensée dans un système immuable, mais de se révéler capables d’étendre et de ramifier leur champ d’action autant que possible. La notion de vibration, de résonance intérieure, seule capable d’instaurer un authentique vocabulaire de correspondances entre couleurs, sons et mots, apparaît comme un thème qui sous-tend l’almanach tout entier. L’almanach devait apporter un message de salut, plusieurs  passages proclamaient la venue d’un nouvel âge spirituel auquel participeraient les arts et toutes les manifestations culturelles.

III)L’art abstrait : le triomphe de la couleur selon Kandinsky

A) naissance de l’art abstrait

L’art abstrait est un art qui tente de donner une contraction du réel ou encore d’en souligner les « déchirures » au lieu d’essayer de représenter « les apparences visibles du monde extérieur ». L’art abstrait peut se passer de modèle et s’affranchit de la fidélité à la réalité visuelle et ainsi des créations plastiques mimétiques. Il ne représente pas des sujets ou des objets du monde naturel, réel ou imaginaire, mais seulement des formes et des couleurs pour elles-mêmes. Le peintre Vassily Kandinsky est considéré comme le fondateur de l’art abstrait. Il a peint sa première aquarelle abstraite Sans titre en 1913. Selon le philosophe Michel Henry ; « Kandinsky appelle abstrait le contenu que la peinture doit exprimer, soit cette vie invisible que nous sommes. » En effet, au cours de la deuxième décennie du vingtième siècle, un tournant radical et déterminant s’opère en peinture, l’invention de l’abstraction. Certes, depuis la nuit des temps, des formes non figuratives ont été utilisées au sein de programmes décoratifs, par exemple les grecques ornant les terres cuites de l’Antiquité, les arabesques des ferronneries baroques ou les volutes de l’Art Nouveau. Mais ces motifs étaient subordonnés à des finalités extérieures, comme l’embellissement d’un lieu ou d’un objet. La démarche qui caractérise les maîtres de l’abstraction du début du 20e siècle consiste à proposer, purement et simplement, une « image abstraite ». L’oxymore que constitue cette expression, une image étant traditionnellement définie comme une réplique de la réalité, indique la nouveauté de l’entreprise. Les peintures abstraites sont des images autonomes qui ne renvoient à rien d’autre qu’elles-mêmes. Dans ce sens, elles s’apparentent aux icônes de la religion orthodoxe qui manifestent la présence d’un contenu plutôt qu’elles ne le représentent, mais, à la différence de ces images religieuses, les peintures abstraites rompent avec le monde des apparences. Elles révèlent l’existence de réalités jusqu’alors invisibles et inconnues, que chaque artiste détermine à sa façon, selon ses propres convictions, son parcours et sa culture, de l’art populaire aux théories les plus spéculatives. Chacun des quatre artistes pionniers de l’abstraction, Frantisek Kupka, Vassily Kandinsky, Kasimir Malevitch et Piet Mondrian, aboutit ainsi à sa propre formulation de l’abstraction, indépendamment des autres. Ils ont néanmoins franchi le seuil de l’abstraction à peu près au même moment, entre 1911 et 1917, simultanéité qui peut s’expliquer par des préoccupations communes. Ils avaient tous une pratique spirituelle ou ésotérique. Ils étaient aussi, pour certains d’entre eux, très attachés à la musique, le moins imitatif de tous les arts, qu’ils ont parfois pris comme modèle. Et, plus généralement, ils travaillaient dans un contexte culturel, en particulier scientifique avec l’apparition de la physique quantique et de la théorie de la relativité, où la notion de réalité devenait problématique. Comme le remarquait Paul Valéry à cette époque, « Ni la matière, ni l’espace, ni le temps ne sont depuis vingt ans ce qu’ils étaient depuis toujours ». Dans ce contexte culturel et scientifique du début du 20e siècle, la réalité est moins ce que l’on perçoit à l’aide des cinq sens qu’une entité que l’on approche par des expériences de pensée. Les inventeurs de l’abstraction proposent une nouvelle forme de peinture en adéquation avec cette conception du monde.

B) l’art abstrait dans le cavalier bleu et l’explication de la signification de ce cavalier.

Kandinsky a en effet repris globalement l’iconographie traditionnelle du saint chevalier en jouant sur l’auréole. La couleur bleu et la stylisation très personnelle du personnage lui confère une signification universelle à laquelle ne peuvent prétendre les saints populaires des peintures sous verre. Les chevaux et les cavaliers devaient jouer un rôle dans l’art de Kandinsky dès ses débuts et symboliser à la fois « une aspiration et un nouveau départ ». Le bleu était pour lui une « couleur céleste typique » appelant les gens vers l’infini et éveillant en eux le désir de tout ce qui est pur et transcende ce qui est simplement sensuel. Le nom pourrait être aussi une allusion à la « fleur bleu » du romantisme allemand. Les artistes purent utilisé le cavalier bleu comme un symbole de la révolution artistique qui s’annonçait. En guise d’épreuve pour la couverture, il avait exécuter une gravure sur bois coloré en bleu, noir et blanc à partir de son aquarelle. Cette gravure fut imprimé pour la couverture de la première édition avec cette combinaison de couleur. On peut remarquer que la version de luxe relié contient une quatrième couleur en plus : le rouge.

La version de luxe

Pour conclure, on peut voir que Kandinsky est un artiste unique dans son genre, il a commencé tardivement sa carrière de peintre, là où d’autres étudiait déjà la peinture à l’âge de 10 où 20 ans, mais cela ne l’a pas empêché de marqué l’histoire de l’art en posant les bases de l’art abstrait et de fonder le groupe du cavalier bleu. Il réutilise l’iconographie traditionnelle chrétienne dans la couverture de l’almanach du cavalier bleu afin de présenter l’art du groupe du cavalier bleu comme une sorte de nouveau messie de l’art moderne. Effectivement, l’art du cavalier bleu et de Kandinsky marquera beaucoup de gens, dont Nina Kandinsky, la deuxième épouse de l’artiste, qui après la mort de son mari, participera à la sauvegarde de l’œuvre de son défunt mari et léguera au musée du centre Pompidou, avec réserve d’usufruit, toutes les œuvres de son mari encore en sa possession ainsi que les dessins, les carnets de croquis et de notes, la correspondance et la collection personnelle du peintre, tout en résistant aux demandes pressantes de grands musées étrangers, le musée Guggenheim de New York, la Lenbachgalerie de Munich, et le musée de Düsseldorf. Kandinsky est un peintre qui aura marqué avec son art et sa vision du monde tout son entourage ainsi que l’histoire de l’art de manière durable.